Faut-il
surveiller l'usage d'Internet dans les entreprises ?
Pour
la plupart des entreprises, le coût de consommation
d'Internet va bien au delà des simples frais
de la location de lignes spécialisées
facturée par un opérateur. Lorsqu'un salarié
passe 2 heures dans sa journée à
travailler pour son compte ou à prendre des loisirs
tout en surfant, l'entreprise a perdu de l'argent dans
le meilleur des cas en le rémunérant,
et dans les pires en prenant du retard dans les projets
et en monopolisant sa bande passante. Chez les éditeurs
de logiciels système, traditionnellement ancrés
sur le marché des solutions permettant le contrôle
et l'administration des réseaux, les compétences
existent pour pallier aux pertes occasionnées.
Mais les outils spécifiquement dédiés
se font plus rares.
Outre l'aspect moral, à ne pas négliger
dans le contexte culturel français, l'un des
principaux écueils se situe sur le plan législatif.
En effet, la vie privée est protégée
par le code civil en France et dans de nombreux pays
de la Communauté Européenne à divers
niveaux. Pour preuve, les logiciels I-Gear et Mail-Gear
de Symantec, dédiés spécifiquement
à "optimiser la productivité"
et non à contrôler selon l'éditeur,
sont interdits dans les pays nordiques et en Allemagne
où la législation est la plus sévère.
Aux Etats-Unis, en revanche, l'attitude est recommandée
par la Loi auprès des employeurs. En effet, d'après
les textes, ces derniers sont responsables des agissements,
légaux ou illégaux, de leurs salariés
au bureau pendant les heures de travail. Symantec a
donc parié d'abord sur le marché américain,
sachant dans le même temps que la demande des
entreprises devient de plus en plus forte en Europe.
I-Gear permet d'exercer une surveillance sur les adresses
URL, tandis que Mail-Gear se charge de filtrer les e-mails
en fonction d'une liste de mots-clefs pris dans un dictionnaire.
Il est ensuite possible de consulter des statistiques
et d'en déduire qui a accompli une utilisation
anormale d'Internet.
"Notre solution permet surtout d'éviter
les mails bizarres et indésirables, et d'optimiser
la bande passante en empêchant les employés
de surfer de manière intempestive" précise
Eric Beaurepaire, de Symantec. "Nous ne cautionnons
pas le fait que des entreprises aient licencié
des salariés à cause de leur usage d'Internet.
Ceci dit, l'employé est là pour accomplir
une tâche, et notre position est de donner aux
employeurs un outil pour améliorer la productivité".
Mais, à autre éditeur, autre son de cloche :
Computer Associates, par exemple, ne "fournit pas
ce genre de solutions". Selon L'Hacene Belkhodja,
responsable produits chez l'éditeur, "ce
n'est pas dans notre stratégie, qui est d'administrer
et d'assurer la qualité de service d'un point
de vue applicatif". CAI propose au travers de la
solution TNG une vision globale du réseau pour
les administrateurs, en mesurant notamment les flux,
mais pas le contenu. Quant à la gamme e-Trust,
destinée aussi bien au grand public qu'aux entreprises,
elle donne simplement la possibilité d'empêcher
l'accès à certains sites en fonction d'une
liste pré-établie.
Jean-Louis Perier, ingénieur d'affaires sur la
gamme Sniffer de Network Associates, précise
de son côté: "Nos outils permettent
d'abord de résoudre les pannes. Mais ils donnent
aussi la possibilité de capturer les trames et
l'information sur le réseau". Des applications
peuvent donc être détournées de
leur utilisation première afin d'exercer un contrôle
sur l'activité Internet des employés.
"Le domaine de la vie privée est très
règlementé en Europe" ajoute-t'il.
"Le problème est plus législatif
que technique".
D'un autre côté, Trend Micro semble avoir
trouvé une solution intermédiaire en proposant
2 logiciels consacrés à la problématique
des entreprises : WebManager et InterScan. Ces
derniers surveillent respectivement le Web et les e-mails,
titres et contenu, dans le seul but de restreindre sans
effectuer de rapport préjudiciable à l'employé.
Ceci dit, d'après L'Hacene Belkhodja de CAI,
ils se pourrait que "le débat [devienne]
caduque car d'ici 3 ans, les terminaux portables
se seront démocratisés. L'entreprise paie
les communications, mais avec l'informatique mobile,
comment pourra-t'elle les surveiller? A priori, la technologie
va plus vite que la morale et la législation".
[François
Morel, JI]
Responsable de rubrique : Alain Steinmann
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