INTERVIEW 
 
Président de la Commission Culture
Parlement européen
Michel Rocard
Le lobby de la brevetabilité n'a pas accordé une attention suffisante aux logiciels libres
Ancien Premier Ministre, Michel Rocard est aujourd'hui député européen et Président de la commission culture au Parlement européen. Il revient sur le vote en première lecture de la directive sur les brevets logiciels et en commente le déroulement ainsi que ses suites. Avec, derrière, un choix de société clairement exprimé.

01 octobre 2003
 
          
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JDNet Solutions. Quelle a été votre réaction après le vote de la directive et de ses amendements ?
Michel Rocard. Ce fût une surprise quant à l'ampleur du vote : 361 voix pour et 157 voix contre. Et ceux qui ont voté contre étaient en fait contre le principe d'une directive mais pour encore plus de restrictions face à la brevetabilité des logiciels. Le sens du vote n'en a donc été que plus fort.

Le droit existant est confus. Aux Etats-Unis, il y a des procès qui mettent en avant que les brevets violent la Constitution ! En Europe, la Convention européenne des brevets de 1972 précisait que les logiciels n'étaient pas brevetables, or 30 000 brevets ont été déposés aujourd'hui à l'OEB. Ceci est dû à une imprécision et nous avons voulu réintroduire certains critères qui nous semblaient incontournables.

Lorsque l'homme utilise de la matière ou met en œuvre les forces de la nature, les coûts sont élevés, une rémunération forte est nécessaire, le brevet la rend possible en interdisant l'usage de l'invention sans rémunération. Mais quand il n'y a pas mise en jeu de telles forces, il n'y a pas lieu à brevetabilité, ce qui est le cas pour les logiciels.

Le commissaire Frits Bolkestein a évoqué le fait de retirer la directive, suite au vote. Quelle est votre réaction ?
Il peut très bien vouloir retirer son projet de directive, cela n'engage que lui ! Il doit y avoir une décision du collège pour cela. Nous avons de toutes les façons besoin d'une directive et ce qui vient d'être voté ne va faire tomber qu'un tiers ou un quart des brevets déposés à l'OEB. Le commissaire Frits Bolkestein s'emballe un peu, il n'a pas l'estampille d'une décision collective pour agir.

Mais il n'en reste pas moins vrai que cela va être compliqué. Le Conseil des Ministres va se prononcer et il y aura une seconde lecture. Cependant, quand il y a majorité écrasante, il est difficile de faire marche arrière, c'est la démocratie ! Et cette majorité n'a en outre pas contredit les éléments de la Commission, elle a simplement apporté des amendements.

Derrière ce débat, il y a des enjeux économiques et financiers de plusieurs milliards d'euros. Quels types de pressions avez-vous reçues ?
Je précise tout de suite que je n'ai reçu aucune pression de type physique [rires]. En revanche, des courriers et courriels de tous horizons,
des recommandations de toutes sortes, de tous bords, j'en ai reçues beaucoup  ! Et je dois dire que ces contributions m'ont aidé à mieux comprendre et à approfondir ce dossier, tout comme d'ailleurs les nombreuses productions de professeurs ou d'experts que j'ai pu lire (il n'y a pas de livre là dessus).

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Le lobby de la brevetabilité, animé par des sociétés qui y ont un intérêt certain, n'a - à mon sens - pas accordé une attention suffisante aux logiciels libres, qui préservent une vraie diversité dans le monde logiciel. Il faut canaliser les lobbies et les intérêts divers, c'est ce que nous avons essayé de faire, pour préserver les interêts des petits opérateurs.

Vous défendez la thèse selon laquelle, en 6000 ans d'histoire, le savoir humain a progressé par la copie. Mais peut-on tout copier ?
Dans le respect du droit d'auteur, qui est véritablement adapté aux logiciels, oui. Le piratage est un autre problème, un vrai problème d'ailleurs, mais il ne faut pas confondre les deux.

La Commission est très sensible à ces questions de piratage, ça viendra, mais comme elle est en fin de mandat, tout comme le Parlement d'ailleurs, ce sujet sera très certainement traité
après les élections...

 
Propos recueillis par Fabrice Deblock

PARCOURS
 
 
Licencié ès Lettres, diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris et du Centre d'Etudes des Programmes Economiques, Michel Rocard est par ailleurs ancien élève de l'Ecole Nationale d'Administration (1956 - 1958). Il a débuté sa carrière en 1953 comme secrétaire national de l'Association des Etudiants Socialistes SFIO, avant d'occuper les fonctions d'inspecteur des finances. Secrétaire national du Parti Socialiste Unifié (PSU) de 1967 à 1973, il a été candidat à la Présidence de la République en 1969 et a activement participé à la campagne présidentielle de François Mitterrand, en 1974.

Il a été Maire de Conflans-Sainte-Honorine (en 1977, réélu en 1983 et en 1989, démission en 1994) et a été nommé Premier Ministre de mai 1988 à mai 1991. Il est député européen depuis 1994 (réélu en 1999) et actuellement Président de la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation, des médias et des sports au Parlement Européen. Il est l'auteur de nombreux livres
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